la Femme Noire comme bouc émissaire

Être une femme c'est dur, très dur. Mais être une femme noire ça l'est encore plus. Vous aimez dire que je me plains, mais vous ne vous rendez pas compte. Combien de fois par jours dois-je lire " de toute façon les noires personne ne veut de vous ".. On peut essayer de rire, mais n'est-ce pas vrai? J'extrapole car je généralise mais la peau noire rebute. " Ma copine doit être noire mais pas trop ", vous acceptez la femme noire lorsque son teint est encore assez clair pour ne pas passer dans la gamme "cramée". Je rajoute ici une précision concernant certains rapports fructueux entre Noires et M(m?)étisses.. J'entends des métisses se plaindre des Noires qui les regarderaient particulièrement mal en sous-entendant que c'est révélatif de leur jalousie. Ce à quoi je réponds, que les mauvais rapports entre certaines noires et métisses s'expliquent complètement. C'est pas de la "jalousie" dans le sens propre, car ci ce n'était que pour la souplesse de leur cheveux, il existe à ce jour de très belles perruques ou tissages avec des lace wig (merci les noires américaines?) indétectables, ou encore des crochets braids bien fait qui font l'illusion. L'on devrait plutôt voir ce rapport comme une relation entre deux soeurs dont l'une serait la préférée des parents. Parce que les métisses ont été valorisées au dépend des noires, préférées à elles, et rabaissées devant elles, il est compréhensible que certaines leur " en veulent ", et cela prend au final l'aspect d'une concurrence malsaine. N'ayant pas pu acquérir de confiance en, elles souffrent de manque d'estime qu'elles extériorisent assez facilement.
Bon pour revenir au rapport des hommes avec les femmes noires, je veux bien admettre que ce constat ne touche en effet pour la plupart, seules les jeunes générations mais c'est déjà bien assez. Il semblerait qu'il y ait une tranche. Les jeunes les refoulent, les moins jeunes les acceptent mais à partir d'un certain âge on constate la conséquence de l'hypersexualisation de la femme noire. Dès le primaire, on constate l'hostilité qu'ont les garçons à l'égard des jeunes filles noires, qu'ils soient blancs ou souvent même noir. Quand on jouait au chat perché, les garçons poursuivaient toujours Léa et Manon, et je me retrouvais souvent seule. J'ai senti ma différence, et je l'ai entendu. J'ai entendu Thomas dire à Julien que mes cordes sur la tête le faisaient rire et que c'était bien trop moche pour qu'il tombe amoureux d'une fille comme moi, et j'ai bien vu que mon teint les rebutait. Je ne dirais pas qu'ils furent racistes loin de là, car bien trop jeunes pour avoir de telles idées (quoique non, je vous raconterai une autre expérience dans le prochain épisode), mais eux aussi ont été conditionnés à voir l'inconnu comme différent, "anormal". Mes tresses, mes nattes, mes "petites crottes" sur la tête faisaient de moi l'attraction, mais pas dans le sens qui me plaisait. Cette situation m'a suivie jusqu'au collège, dès mon entrée en 6ème, alors j'ai demandé à maman de me défriser les cheveux. Devinez quoi? Elle a refusé! (J'ai dû pas mal pleurer..) Mais je savais maintenant que pour être belle il fallait avoir les cheveux lisses, alors je les lissais, tant bien que mal. Ca ne donnait absolument rien, et puis en 4ème, lasse de devoir supporter ma mocheté et ma différence j'ai supplié pour qu'on me fasse un tissage, et maman a accepté! Je suis arrivée au collège comme Beyoncé entre en seine. Cheveux au vent, mais pas trop (sinon on voit la couture), nouveau jean Jennyfer pour sublimer le tout. Et la différence s'est ressentie ! " Estelle t'es belle " me disaient mes amies, "Ca te va mieux que tes cordes sur la tête, t'es jolie" m'a dit Louis (je ne vous dis même pas l'émotion à ce moment, waaaa Louis le beau gosse m'a fait un compliment!!) Et devinez quoi? J'ai eu mes premiers amoureux à cette période, j'étais même une séductrice ah oui! Mais seulement avec des garçons blancs, je ne cotoyais qu'eux(Collège privé avec 3noirs et demi vous comprenez).
Bref, revenons à nos moutons ! La femme noire est bestiale n'est-ce pas, fait l'objet des fantasmes de certains hommes blancs qui voient en elles l'exotisme et se plaisent à rêver de relations sexuelles avec elles, qu'ils imaginent trépidantes et sauvages, à leur image. La femme déchaînée, avec des courbes visibles et des formes généreuses montrée à leur yeux pour la première fois par la " Vénus Noire ". Combien de fois j'ai du subir les regards insistants de certains hommes âgés blancs qui me disaient ô comment ils auraient aimé goûter un fruit de l'Afrique, fatiguée par la cadence fade de leur femme blanche. Bon, revenons à nos frères racisés mais ignorants, je vous en veux tellement de vous joindre à ces moqueries nous concercant et en nous reprochant carrément de nous plaindre parce que ce sont des blagues que l'on devrait supporter, auxquelles on devrait rire? Si vous même nous dénigrez, la porte est alors ouverte pour les autres, nous sommes donc finalement seules à nous battre pour le respect que nous MERITONS, et à supporter tous ces aspects de la mysoginoir dont vous vous placez en défenseur.
Parmi divers attributifs qui m'insupportent il y'a le surnom "Fatou". Je m'énèrve lorsqu'on m'appelle de cette façon. Non pas que je ne souhaite pas être assimilée à une population musulmane, ou encore malienne sénégalaise et que sais-je. Mais parce que ce prénom est malheureusement devenu une périphrase, permettant de définir toute noire qui est selon eux supposée se comporter sauvagement, manquer de grâce et de tact, de part ses origines ethniques. Comme à l'époque où l'on appelait les noires américaines du surnom "Suzie ". Un surnom dans lequel elles étaient toutes censées se retrouver. C'est épuisant et pitoyable, et je conseille vivement de ne pas rigoler ou se laisser faire face à des blagues joliment racistes qui ne font qu'accentuer l'irrespect qu'ont certains à notre égard.
POURQUOI VOULOIR A CE POINT AFFIMER LA BEAUTE DE LA FEMME NOIRE?
Valoriser les Noires ne veut pas dire dévaloriser les Blanches, ou les Asiatiques. Nous ressentons ce besoin, cette obligation de les mettre en avant car elles sont ignorées, par la societé de consommation. L'on veut rassurer les femmes Noires, leur dire qu'elles sont belles parce que la societé ne le fait pas. La femme blanche est quand à elle, déjà considérée comme le standard de beauté. Pour être belle dit-on, il faut avoir le teint parfait c'est à dire légèrement hâlé, des cheveux lisses et pas trop de formes sinon trop vulgaire. Bien sûr qu'il y'est des filles blanches qui sont pâles et rondes, mais le privilège de la peau blanche et la texture de leur cheveux les rendent belles, car que ce soit pour les crèmes de corps, les rasoirs, gels douches ou mascara, ce sont ces seuls mêmes visages qui doivent représenter LA beauté, décrite comme unilatérale en ce sens. J'ai à ce jour vu une seule femme noire dans une publicité pour soins et beauté, et c'est Miss Sonia Rolland qui fait la publicité d'une crème Mixa pour peaux sèches. Sommes nous donc réduites à cela, peaux sèches et cheveux cassés? L'exemple bête des shampooing pour femme, il y'a la gamme " Cheveux normaux " et " Cheveux crépus secs et abîmés ". Je vous laisse deviner ce qu'on entend par cheveux normaux et supposant aussi ceux qui ne le sont pas. J'entends le même argument bête du " On est en France c'est normal qu'on montre des françaises " La France n'est-elle pas pourtant multiculturelle? Ne prône pas t-on ici le métissage? Qu'en est-il alors? Pourquoi une miss France noire doit subir des insultes racistes et entendre qu'elle ne peut être Miss car elle n'est pas à l'image de la France. Que veut dire être française en ce sens, et que deviennent les DOM TOM..
Nous avons besoin de nous affirmer parce que nous ne sommes pas représentées, et ça se ressent dès l'enfance, où l'on ne trouve pas de modèle à notre image. Cela passe d'abord par les poupées, vous savez les gros bébés qu'on offre aux petites filles, il n'y en avait jamais de couleurs noire. Je m'identifiais donc à ce gros bébé blanc aux lèvres fines et aux yeux bleus dont je pensais être la mère. Plus tard j'ai joué avec des barbies, et je m'identifiais souvent à Chelsea qui était un peu plus bronzée que Barbie, mais toujours aux longs cheveux lisses, marrons avec de très jolies yeux noisette. Il n'y avait aucune poupée qui me ressemblait, dans laquelle je me pouvais me retrouver, et face à mes amies blanches j'avais comme l'impression de m'incruster dans un idéal de vie qui ne peut être le mien, mais en avais-je? C'est un réel problème, de déraciner en quelque sorte une population entière, ce dès sa naissance. Trouver un fond de teint pour une couleur foncée par exemple a longtemps été un combat, la teinte la plus foncée à laquelle on espérait aspirer était d'un caramel lait que seule les métisses très claires encore pouvaient se permettre d'arborer, et j'avais l'impression d'être privée de tous les privilèges que mon genre m'accorde. Les sparadraps sont de couleur rose pour se confondre avec la peau blanche afin de rendre la plaie la plus discrète possible, mais il n'a pas été pris en compte jusqu'à maintenant que tout le monde n'a pas la peau rose..
Nos caractéristiques sont moquées, lèvres charnues et très marquées, que l'on compare au nez aquilin et aux lèvres raffinées, nos cheveux comparés à la de la mousse de loin, puis à de la paille ou de la moquette, ensuite. Nos particularités sont dénigrées pourtant l'appropriation de notre culture est appréciée. Les médias américains se moquent de Zendaya lorsqu'elle a des dreads pour coiffure, qu'ils jugent " sales et grossiers ", tandis que lorsque Miley Cirus les porte elle est " funk et rebelle ". Une femme noire afin des nattes collées fait " ghetto " mais lorsqu'une blanche en fait elle est " underground ". Finalement rien ne nous va, même ce qui nous appartient.